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ANTONIO LOPEZ EN LA GALERIA CLAUDE BERNARD (TEXTO EN FRANCES)

Ici, la mesure du temps, le compas sans pause; ici, le sédiment du temps : ici, la suprême densité du temps. Le choc immédiat de la contemplation, devant une œuvre d'Antonio Lôpez-Garcîa, est le choc soudain contre la figure, contre a matière même du temps. Une substance dense et diachronique — et non la patine Jaunie de l'archaïsme — inonde, soutient et acclimate le lieu commun, l'événement quotidien, la température hodierne (pourrions-nous dire avec Heidegger) de ces scènes quotidiennes, de ces choses coutumières. apparemment dépourvues d'onticité et fugacement converties en entités absolues. Choses pareilles à toutes les choses, élues parmi les choses, dont la connaissance et l'élaboration ont coûté à leur auteur un temps indicible et un rêve patient ; qui se consolident, touffues de concrétions, devant nos yeux, et s'offrent à nous comme un instant absolu, comme une durée éternisée et détenue. La capacité contemplative et opérative excède, dans le procès instaurateur d'Antonio Lôpez-Garcia, toutes les mesures, toutes les limites. Il n'y a pas de moment temporel capable d'interrompre ou de distraire son obstination à vouloir fa ire sienne (atome par atome) la présence nue des choses. Aucun appel ne saurait affaiblir ou retarder son approche cauteleuse à ces choses, ou les soustraire à sa conscience dévoratrice. à son désir de possession. Quel temps Antonio Lôpez-Garcia emploiet-il à l'achèvement de l'une de ses œuvres, de chacune d'entre elles ? La vérité absolue qui, imprégnée du fond même du temps, suscite aujourd'hui ou émerveille, telle une révélation insolite, notre regard, nous épargne l'étude du calendrier. Une de ses dernières créations — que ceci serve d'exemple — porte, sous la signature, ces dates significatives : 1 961 –1970. Neuf ans de concentration intime, de projets et de renoncements, d'allées et venues autour d'une même tâche, sont plus que suffisants, à l'heure de qualifier la ténacité exemplaire, l'incidence, le degré incoactif durable et perfectible des travaux et des jours de notre artiste. Cette vérité absolue, décantée dans l'interdistance d'une durée essentielle, et détenue dans l'émervei lement de notre regard, est le fruit mûri d'être lentement palpé, l'acte de foi suprême prononcé par Antonio Lôpez-Garcia le dos au temps et face aux choses.

Qui n'a pas été captivé par le trait furtif et sous-Jacent que tant ettantd'œuvres de Velasquez révèlent— rappelons ici le Philippe II en deuil, ou équestre, du Musée du Prado — sous la composition définitive : trame de tant d'autres,événements latents, voilés, inconsistants, mais indélébiles dans l'intersection de moments divers, telles les stratifications d'une seule et même réalité ? Plus complexe encore est a manière d'Antonio Lôpez-Garcîa, plus dense et palpitante sa lutte contre le temps (l'éternelle lutte du temps et de la mémoire), et plus profondes les traces que le cours de l'âge imprime sur la face définitive de chacune de ses œuvres. Car ici le procès est interrompu par la lumière de la saison qui meurt, pour recommencer dans une autre aurore — ou dans d'autres aurort qui annoncent, ou contiennent, ou exigent, des formes nouvelles, souvent insoupçonnées, de la conscience et de la manifestation. Cette affluence de procès dissemblables, bien que convergents vers le fond d'une même réalité, de circonstances diverses : lumières, objets, faits, perspectives, relations... se dépose et vient enrichir un argument sans fin, en lequel bat au pîus vif la pulsation sonore du temps. Le passage et le retour des lumières, des Jours, des saisons, contemplent la patiente poursuite d'Antonio Lôpez-Garcia vers la préhension — calme, continue, minutieuse — de tel ou tel fragment de réalité, qui tombant épiphaniquement sous ses yeux comme le tracé de l'éclair, va se concrétiser dans une œuvre accomplie et bien accomplie. Que le lecteur dépouille de tout accent de métaphore ou d'hyperbole cette allusion au passage et au retour du temps. Antonio Lôpez-Garcîa est bien capable d'attendre le prochain automne pour achever un profil, un contour, une lumière, une tonalité, dans leur même vérisme de l'automne précédent. C'est là qu'est le secret des choses — choses parmi les choses — révélé par Antonio Lôpez-Garcîa. Un acte de foi, une antique croyance, dont la racine pénètre la racine même du temps, a poussé du fond même de son âme; ses yeux assidûment clarifiés par la contemplation de la nature dominatrice, par la pulsation de la réalité (contenue dans les marges de la temporalité et de la diachronie) ont aperçu la beauté du monde, et sa main l'offre, en couches temporelles, à la contemplation des hommes. Un procès équivalent ou inverse, amassé par le passage du temps, prend alors naissance dans la sensibilité du spectateur, l'amenant aux affluents de sa vérité, de sa mémoire. Et ces choses quotidiennes, ces lieux communs, cette température hodierne. suscitent dans les souvenirs éloignés de qui les contemple une impression mitigée de familiarité et d'étonnement, une parenthèse immense d'évocation, dans laquelle s'éclaire et se vivifie la plénitude proustienne du temps perdu.



(Traducción realizada del texto en Español por Juana Mordó)

OTRAS PUBLICACIONES - 01/01/1972

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